Aujourd’hui, exceptionnellement pas d’images !
Aujourd’hui, 31 janvier, à Angoulême, les auteurs se mettent en grève. Ceux qui ne sont pas à Angoulême sont appelés à arrêter le travail également. C’est ce que je fais.
Pour ce qui me concerne, encore étudiant je m’intéressais déjà au statut des artistes… Qui n’existe pas pour nous. Depuis, et ça fait quelques décennies, avec La SCAM, les différentes sociétés d’auteurs, l’Upchic (créée par Yvan Delporte) nous n’avons cessé d’interpeller nos politiques afin d’obtenir un statut. Maintenant que je suis plus proche de la retraite ( qui par parenthèse sera microscopique), que du début de carrière, je suis obligé de constater que les choses n’ont pas changé et qu’elles se sont même aggravées.
J’ai toujours conservé plusieurs courriers de femmes et d’hommes politiques qui nous assuraient que cette question allait être réglée.
Mon oeil !
Tout le monde s’en fout, sauf quand il faut venir inaugurer un festival et s’enorgueillir de ce patrimoine fabuleux qu’est la BD en Belgique. Donc, pas de statut d’artiste pour les auteurs de BD. Une population entière sans statut… Mais est-ce bien normal ? Serions-nous des sous-hommes (femmes) ? Serions nous si insignifiants ?
Je me souviens d’un homme politique qui nous faisait le gros doigt en assénant: « Mais, vous n’imaginez pas que vous allez avoir un statut particulier, quand même ? » Et pourquoi pas ? Un parlementaire, un fonctionnaire, un salarié, un ouvrier, un indépendant… Tous ont un statut particulier. J’en viens à me demander si, nous n’aurions pas intérêt à porter ce problème à la cour européenne des droits de l’homme. Peut-être qu’enfin nous serions entendus.
Mais cette grève des auteurs ne concerne pas que la reconnaissance via un statut. Non, non, non!
Ahhh, la BD, quel beau métier ! Oui, ça on n’en disconvient pas. Mais un beau métier qui se précarise à vitesse grand V depuis des années. La plupart des auteurs » vivent » avec l’équivalent d’un salaire minimum, le SMIC, quoi. Pour beaucoup d’entre eux, ce n’est même pas le cas, on parle d’auteurs qui vivent sous le seuil de pauvreté. et pourtant dans le monde de l’édition, la BD est en progression et réalise des chiffres d’affaires à faire pâlir oncle Picsou himself … Mais les auteurs n’ont droit, bien souvent qu’aux picaillons. Moins d’un euro sur la vente de leurs albums, le travail n’est plus payé, le prix à la planche (prix de la réalisation du travail) est passé sous forme d’avances (pourcentage sur les ventes) sans cesse rabotées, pourcentages de plus en plus faibles, et je ne parle pas des festivals où les auteurs sont les seuls à ne pas être payés… J’en passe et des meilleures. J’ai entendu des organisateurs dire » Si on commence à payer les auteurs, on ne fera plus de festival », ben ok, pas de problème. Vous connaissez beaucoup de professions qui bossent gratis ? Moi pas.
Dans le milieu de la BD, nous nous retrouvons bien souvent face au pire des systèmes capitalistes. Dans une interview, j’ai entendu un jour Claude de Saint Vincent dire que ce sont les auteurs qui parlent de droits d’auteur, pas les éditeurs, eux n’avaient pas de problème avec ça. Sans rire ? Quelle surprise !
En fait, les rémunérations sont calculées en terme de rentabilité, ok, pas de problème. Mais c’est l’auteur qui vient toujours en bout de course jouer les variables d’adaptation.
Tiens, une simple petite information: le gouvernement précédent, qui nous avait promis un regard bienveillant sur nos revendications, s’est empressé de nous raboter 60% de nos droits de reprographie (Droit perçu sur la reproduction de nos dessins) sous la pression de HP. Et tout ça en nous assurant, la gu…. enfarinée que nous ne perdrions rien. Retirez 60% des revenus de n’importe quel catégorie de travailleurs, vous allez voir le bordel!
Nous on n’est pas super nombreux c’est plus compliqué de faire la révolution.
J’ai travaillé en indépendant pendant quelques années pour des services culturels. Là aussi, force est de constater que le manque de connaissance du milieu de la BD, les petits arrivismes et arrangements politiques laissent peu de place à une véritable politique culturelle. Le professionnel est toléré et sert surtout de caution auprès de ses collègues.
Il ne suffit pas de mettre quelques panneaux de Spirou à l’entrée de Charleroi, quelques statues par ci par là pour que la BD soit reconnue. Il faut aussi du respect.
« Sans autrices et auteurs, pas de BD ! »
Je suis très heureux, après tant d’années, de constater qu’enfin les auteurs veulent s’unir, du moins en France. L’AbBD (Académie belge de la Bande Dessinée) vient de voir le jour en Belgique, espérons que ça va bouger également.
Pour en savoir plus, voici un article de ActuaBD:
https://www.actuabd.com/Angouleme-2020-greve-des-auteurs-le-vendredi-31-janvier
ici sur Mediapart:
Et pour compléter, voici un article qui concerne les pensions des artistes, ça se passe en France, mais ça démontre bien le peu de considération pour les artistes.
Quand on parle de compétences !!!
Et une chanson de Félix Leclerc: Richesses.
Je ne sais même plus quoi dire à propos de tout ça. Ma gorge est asséchée. Editeurs, directeurs de collection, assistant, secretaires, communication, personnel de ménage, standardiste, tous sont payés, au moins le smic. Quelque chose n’est pas logique. Merci pour ce mot, Georges.
jc
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Et pense à ta retraite 😉 si tu veux encore une raison de désespérer.
J’appelle ça du mépris. J’ai ajouté un lien en bas de post, va z’y voir! C’est éloquent!
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Cher Georges,
je partage entièrement ton point de vue, et je me démène pour rétablir les droits de reprographie et de copie privée. A ma demande (avec d’autres), Auvibel a assigné l’Etat belge pour le manque à gagner des auteurs durant les 3 années écoulées.
Nous cherchons à rassembler une nouvelle majorité pour remédier aux carences des tarifs.
Notre action porte sur les questions de chômage, et nous soutenons, à la MEDAA, totalement la démarche de Bernard et François en vue de constituer « l’Académie » (titre provisoire) et de faire avancer leurs/tes revendications.
Je viens d’intégrer la Commission artistes pour y faire entendre la voix des auteurs.trices. Nous pressons les Gouvernements en place d’agir avec des propositions concrètes
Mais le constat est douloureux, nous ramons trop souvent à contre-courant : nous avons reculé sur des avancées antérieures capitales (reprographie et protection sociale notamment), et la FWB a abandonné/négligé de construire, comme en BD (193.000 euros de budget !) ses politiques artistiques, et ses artistes.
Unis et solidaires, les auteurs et les autrices peuvent améliorer leur sort. C’est la véritable leçon de l’histoire.
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Frédéric,
je ne peux que te remercier pour ton travail et être reconnaissant pour tout ce qui est fait. Je pense que sans des gens comme toi et la SCAM, notre situation serait encore pire !
Oui, il faut absolument que les auteurs s’unissent, j’ai l’impression de répéter cette phrase depuis 30 ans. Mais là, j’espère qu’enfin on va arriver à quelque chose.
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Héééé oui… Moi, c’est pour ça que j’ai abandonné. Bon, j’aurais pu me recycler dans un boulot « plus sérieux », entendre par là « plus sécuritaire », mais je suis con et j’aime trop créer… Je pense que la seule façon que les gens, politiques et autres, pourraient comprendre à quel point le sujet est sérieux, ce serait que tous les auteurs démissionnent et se trouvent des boulots ailleurs. Une fois qu’il n’y aurait plus d’auteurs de BD, le message passerait enfin.
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ça vaut pour tous les métiers artistiques, plus de peinture, plus de musique, plus de cinéma… plus d culture… quel monde extraordinaire.
Comme le disait Félix Leclerc dans « Richesses: « Au sommet de nos rêves, bien perché, le rapaces ».
Il faut aller relire ce texte.
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D’ailleurs, je ne résiste pas à l’envie de te donner ces paroles:
Cinquante ans de poussées, d’arrêts de marche encore
Moissonner chez les autres sans avoir droit au grain
Défendre des pays qui volent votre bien
Leur bâtir des maisons et puis coucher dehors
Sonner cloches le jour, fêter des inconnus
Leur tresser des couronnes, n’être pas reconnu
Ouvrir chemin de fer, jamais prendre le train
Porter l’eau au désert, prise à votre moulin.
Raconter ses misères pour que monsieur s’amuse
Tout en m’applaudissant, il fait taire ma muse
Au sommet de nos rêves, bien perché, le rapace
Qui bondira soudain sur tout bonheur qui passe
J’ai enrichi des gens qui en ont profité
Et que me reste-t-il après tant de batailles ?
Me reste toi, mon souffle, mon enfant, mon été
Que je garde caché au fond de mes entrailles
Et s’ils prennent un jour, c’est eux qui tomberont
N’y aura plus de chant, n’y aura plus de pont
Blessée, tu reviendras et nous repartirons
Pour la centième fois, ferons neuve chanson
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Tellement approprié! Merci mon chum! 🙂
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